
L’AVOCAT, A LA FOIS CONSEIL DANS UN PROCES D’UNE ASSOCIATION DES COPROPRIETAIRES ET DE COPROPRIETAIRE
Pierre ROUSSEAUX/S.N.P. ARTICLES De Pierre ROUSSEAUX, avocat, Président S.N.P. CHARLEROI
Soucieux de comprimer les frais de procédure, il n’est pas rare, lors d’un litige à introduire contre un entrepreneur, un promoteur ou un architecte, responsable de vices dans le bâtiment, qu’il soit tenu le raisonnement suivant :
« Le dommage subi, puisqu’il est localisable tant dans les parties communes que dans des parties privatives, au nom d’une économie dans les frais de procédure, ne pourrait-il pas être envisagé que l’A.C.P. et les copropriétaires préjudiciés fassent choix d’un même avocat ? »
Mais les copropriétaires sont-ils éclairés sur l’incidence ultérieure d’une telle stratégie et celle-ci ne compte-t-elle
pas un risque pour eux ?
Partons d’un exemple concret :
« Un immeuble dont la réception provisoire est intervenue il y a 8 ans, se trouve affecté de diverses malfaçons qui permettraient à la garantie décennale de sortir ses effets.
Ces malfaçons touchent tant les parties communes que certaines parties privatives.
Au terme d’une Assemblée Générale est désigné un avocat pour défendre les intérêts de l’A.C.P. dans la demande portant tant sur les réparations à intervenir sous menace d’astreintes que sur le dommage subi.
Sont mis à la cause le promoteur-vendeur, l’entrepreneur et l’architecte.
Quatre copropriétaires préjudiciés, au vu des lézardes constatées et d’infiltrations d’humidité en provenance des parties communes (façade, toit – terrasse) font choix de se joindre à l’action et considèrent opportun de choisir le même avocat que celui défendant les intérêts de l’A.C.P. pour les dommages dans les parties communes.
Une expertise est décidée par le Tribunal.
Au terme de celle-ci et après jugement rendu, est retenue la responsabilité du promoteur-vendeur et de l’entrepreneur, l’architecte (malheureusement le seul bénéficiant d’une assurance obligatoire) étant mis hors cause.
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Hélas, le jugement obtenu est inexécutable vu les faillites intervenues tant du promoteur-vendeur que de l’entrepreneur…
L’indemnisation ne peut donc intervenir dans le cadre de l’action introduite.
Tout est-il perdu pour ces 4 malheureux copropriétaires subissant un dommage en provenance des parties communes ?
Nous ne le pensons pas au vu de l’application de l’article 1384 du Code Civil et de la présomption de responsabilité instaurée à charge du « gardien de la chose », l’Association des Copropriétaires étant considérée comme gardienne.
L’enseignement à tirer de cet Arrêt a encore été renforcé par un Arrêt de la Cour de Cassation du 5 mars 2015 :
« La circonstance que l’Association des Copropriétaires n’use ou ne jouit pas pour son propre compte des parties communes ne suffit pas à lui ôter sa qualité de gardienne de celle-ci. Le moyen qui, en cette branche, repose tout entier sur le soutènement que l’Association des Copropriétaires perd sa qualité de gardienne des parties commues lorsque l’usage ou la jouissance de celles-ci est privatif manque en droit ».
Le concept de gardien de la chose est grandement étendu, l’A.C.P. ne pouvant par exemple arguer que le toit – terrasse est en commun à l’usage exclusif des propriétaires du dernier étage, qu’ elle ne pouvait utilement « le garder » et que les infiltrations en provenance de celui-ci subies par le propriétaire de l’étage en-dessous du toit – terrasse ne peut lui être imputé. ».
Revenons-en aux risques liés au choix d’un même avocat dans la procédure mue par l’A.C.P. et certains copropriétaires contre le promoteur-vendeur, l’entrepreneur et l’architecte.
Cet avocat, pour des raisons déontologiques évidentes, ne pourra, fut-ce subsidiairement, au nom des copropriétaires lésés, formuler une demande sur base de l’article 1384 du Code Civil à l’encontre de l’A.C.P. qui l’a aussi mandaté.
Certes, il pourrait être envisagé que le même avocat débute la procédure au nom de l’A.C.P. et des copropriétaires, suive l’expertise judiciaire nécessaire au constat liant toutes les parties, puis, dès l’expertise terminée, s’il venait à être craint, en fonction d’élément recueillis, une insolvabilité d’un des défendeurs, se décharge pour des raisons de conflit d’intérêts.
Il appartiendrait alors aux copropriétaires lésés ayant fait choix d’un autre conseil d’introduire, fut-ce à titre conservatoire et subsidiaire, une demande contre l’A.C.P. « gardienne des parties communes ».
Mais, à nouveau, la transparence est la règle et il importe donc au syndic d’expliquer à tous, lors d’une Assemblée Générale au cours de laquelle est abordée la question de la procédure judiciaire à mener, qu’en cas de choix du même avocat, un problème pourrait ultérieurement naîtresi les parties initialement citées et
condamnées devenaient insolvables.
Il est aussi du devoir de l’avocat consulté tant par l’AC.P. que par les copropriétaires préjudiciés d’expliquer les limites de son mandat.
Collusion d'avocat syndic